- Article rédigé le 24 octobre 2022 par Cécile Aubert pour Bilan Magazine.

"Enchères immobilières, un vent nouveau souffle sur la Suisse romande"

Monnaie courante dans le monde, les ventes aux enchères immobilières restent rares en Suisse. Mais ça risque de changer.

La vente de cette maison de maître à Collonge-Bellerive (GE) est organisée sous forme d’enchères par Swissroc, avec une mise de départ de 12 millions de francs.

Les enchères immobilières ont la cote cet automne en Suisse romande. Une table ronde proposée fin octobre par Primextate dans les salons d’un grand hôtel de Genève annonce «éduquer les professionnels du secteur afin de développer cette tendance déjà gagnante à l’étranger.» Mi-novembre, c’est la vente d’une maison de maître à Collonge-Bellerive, commune genevoise cossue, qui est organisée sous forme d’enchères par Swissroc, avec une mise de départ de 12 millions de francs.

Une mini-révolution dans le milieu, quand on sait qu’à ce jour seules sept ventes aux enchères immobilières ont déjà été organisées en Suisse, dont l’une concernait le château de Bavois, alors propriété de Thierry Lombard. Mais pourquoi les enchères de biens immobiliers sont-elles si rares en Suisse? Elles ont pourtant de nombreux avantages. «Déjà, le vendeur bénéficie d’une date fixe pour la cession de son bien. Cela lui permet de se projeter», explique Guive Emami, directeur de la filiale Swissroc Properties qui organise la vente de Collonge-Bellerive.

Côté acquéreurs, chacun bénéfice des mêmes informations en même temps avant d’entrer dans le processus de vente, un gage d’équité dans l’appel d’offres.

«Au regard du succès rencontré à l’étranger, ce mode de transaction, transparent, sûr et rapide, a tout pour plaire.»

Guive Emami, directeur de Swissroc Properties

Les rares enchères en Suisse ne visent pour l’instant que des biens d’exception. Ici, les ventes aux enchères de biens classiques souffrent d’une image négative, cantonnée aux ventes forcées des offices de poursuites et faillites cantonaux. Contrairement à la Suède, où la majeure partie des transactions immobilières est conclue sous cette forme. Alors qu’en Angleterre, elles sont surtout synonymes d’opportunités. «Je cherche prioritairement des biens à rénover pour les revendre après, explique Amin El Shelhi, professionnel de l’immobilier suisse établi à Londres.

Dans notre pays, les logements sont généralement bien entretenus, donc moins intéressants à acheter pour l’investisseur en quête de plus-value.» Il précise que les ventes londoniennes attirent un public panaché. Outre les investisseurs, on y croise aussi des jeunes qui n’ont pas forcément les moyens d’acquérir un bien sur le marché classique: «Du novice au professionnel, avec un budget restreint ou illimité, les acheteurs sont très variés ici.»

Développer cette tendance en Suisse

Après la vente de novembre, Swissroc entend poursuivre sur sa lancée «Au regard du succès rencontré à l’étranger, ce mode de transaction, transparent, sûr et rapide, a tout pour plaire, assure Guive Emami. Nous avons l’ambition de le développer en Suisse, en proposant un catalogue varié dès le printemps.» Pourquoi maintenant?

«Pendant 20 ans, je me suis demandé – et on m’a demandé – pourquoi il n’y avait pas ou peu de ventes aux enchères immobilières en Suisse, explique-t-il. Nous voulons saisir l’opportunité de changer les mentalités. Ce développement va se réaliser par étapes, dans le but de démocratiser le système de ventes aux enchères et de fournir une plateforme aux agents immobiliers, notaires et propriétaires. Pour moi, la vente aux enchères ne devrait pas être une exception mais une façon traditionnelle de vendre», conclut le spécialiste.

«Nous visons la démocratisation du système.»

Guive Emami, directeur de Swissroc Properties

Depuis Londres, Amin El Shelhi salue cette volonté, tout en émettant quelques réserves au regard des spécificités du marché suisse, jugé moins dynamique en comparaison européenne. «La clé du succès d’une vente aux enchères est de maximiser la visibilité du bien. Mais qui est en mesure d’acheter en Suisse? On parle quand même d’un pays où 30% sont propriétaires et 70% locataires… Une chose est sûre, ceux qui réussiront à développer ce mode de vente seront des disrupteurs de marché.»